C'est un magnifique samedi de printemps que vit le jour le petit Hans. Le 18 mai 1912 pour être précis. La douce ombre du Massif Central avait d'ailleurs esquivé la petite maison dans laquelle l'accouchement avait eu lieu, laissant à la mère enfantant la possibilité de montrer ce qu'était le soleil à son nouveau né. Oui, ça peut paraître étonnant mais c'est en France que commença la vie de cette homme dont je vais vous conter l'histoire.

Père allemand, mère française. Les deux êtres s'étaient rencontrés grâce au métier de l'homme germanique. En effet, il était à l'époque ce qu'on appelle un colporteur. Sillonnant toute la France pour vendre sa marchandise allemande, Franz P. Schwartzberg s'était vu arraché le cœur dès qu'il avait vu au hasard de ses voyages la ravissante Marie Martin. Très vite et grâce à la persévérance de l'allemand, les deux êtres s'étaient mariés et environ neuf mois plus tard, Hans avait fait son apparition sur Terre.

Hans ne se rappelle pas de son enfance en France. En effet, quand la première guerre mondiale éclata, son père décida d'emmener sa famille dans le Bade-Wurtemberg où il avait de la famille. Destiné à vivre une enfance française, Hans s'était retrouvé à l'orée de la Schwarzwald, autrement dit la Forêt-Noire. Le jeune enfant ne fut pas dépaysé car même s'il commençait à peine à parler français, ses parents s'étaient jurés de lui parler dans les deux langues pour qu'il ne perde pas son héritage culturel.

Le temps passa. Hans devenait chaque jour un peu plus grand et fort, passant tout son temps libre à crapahuter dans la forêt avec ses amis. Enfin, il s'agissait plus de connaissances que d'amis. L'adolescent n'était pas vraiment du genre à s'investir émotionnellement dans ce qu'il faisait. La première guerre mondiale avait traumatisée et frustré tout le monde, y comprit le père de Hans qui avait dû servir son pays à Verdun. Le jeune franco-allemand, lui, restait de marbre quand à se malaise ambiant. Pendant que le vieillissant Franz buvait pour en perdre la raison, lui se réfugiait dans les méandres de la Forêt-Noire. La solitude, la bestialité qu'offrait la nature était bien plus agréable pour Hans.

Les années continuèrent à passer, sans se demander ce que pouvait bien en faire Hans. C'était devenu un rude gaillard de plus de six pieds de haut. Attaché à la Forêt-Noire, il était devenu garde forestier. Utilisant le moins possible de véhicule, les soldats de la Waffen-SS avait peiné à le trouver. Ils avaient entendu parlé d'un franco-allemand qui travaillait dans la forêt et l'unité cherchait ce type de profil. Hans, lui, n'avait entendu parler de la guerre que de loin, celle-ci débutant juste.

La politique nazi, l'homme ne s'y était jamais vraiment intéressé mais il sentait que les soldats avec qui il se trouvait étaient dangereux. Il avait donc ajusté son comportement au leur pour ne pas être prit à partie. Etant vu du coup comme un aryen avec le même état d'esprit que la SS, Hans vu recruté rapidement, pistonné par l'officier qui était venu le voir.

Hans reçu alors un entraînement radical et tortionnaire. On ne lui avait pas encore dit pourquoi ils avaient besoin de lui mais il n'était pas du genre à chercher plus loin car à chercher loin, on ne récolte que des ennuis. Il s'appliquait donc à répondre aux critères et tout les jeunes "chiens de guerre" le côtoyant le voyait quasiment comme un meneur même si en réalité il n'avait rien à faire des idées racistes de son entourage.

Après six mois de formation, Hans fut convoqué dans le bureau de Heinrich Himmler. C'était un "honneur" d'avoir rendez-vous avec le chef suprême de la SS. Un peu trop même. Le franco-allemand s'y était rendu l'estomac noué, ayant peur pour sa vie en ces temps de folie. S'était-il fait trop remarqué ? Avait-il enfreint le règlement intérieur ? Hans était dans le flou total.

En fait, il ne s'agissait de rien de tout cela. Le commandant l'avait fait venir pour lui assigner une mission ou plutôt un territoire. En effet, ce dernier cherchait à avoir des espions dans le camp de l'ennemi. Même si la France s'était rendue, le Führer ne faisait pas confiance au Maréchal Pétin et la résistance qui se soulevait l'énervait au possible. Le rôle de Hans pour servir le Reich serait d'intégrer incognito la Résistance française aux frontières de la zone occupée. Toute la frontière n'étant pas espionable par un seul homme, on lui assigna la province du Berry. En effet, la frontière y était délimité par le Cher et la région était bien placée entre Paris et Vichy.

Comme un bon petit soldat, Hans s'y rendit en tant que civil et sous son nom français : Alric Martin. Il mit plusieurs mois à trouver des contacts dans la résistance, cette zone n'étant pas vraiment l'une des plus virulentes en acte terroriste. Petit à petit, Hans gagna la confiance des résistants de sa "juridiction", jusqu'à diriger des opérations, et en livra quelques uns de temps en temps à l'Allemagne toute puissante.

Cela va bientôt faire quatre ans que Hans est sous couverture. Bien sûr, il retourne en Allemagne tout les ans pour faire un compte rendu directement au commandant et non aux messagers habituels ainsi que pour voir sa famille. Hans ne réfléchit pas à son rôle dans cette guerre. Il survit, c'est tout, même s'il faut bien avouer que le SS se perd de plus en plus entre ses deux identités. Hans Schwartzberg, le puissant aryen au service du Führer et Alric Martin, un meneur de la résistance française qui ne cesse de dire "A vaillant coeur rien d'impossible" pour rassurer ses frères résistants avant chaque opération ... Et maintenant, la Résistance crit à la liberté avec ce fichû débarquement. Comment va faire Hans pour continuer de sauver sa peau ? Il n'en sait rien. Entre son pays et son pays, que choisir ?